Cézanne a subi des influences diverses dans le processus de recherche de son style. A partir de 1863, il va copier au Louvre, ou il decouvre l’ art de Caravage, Tintoret, Zurbarán , Vélasquez, Veronese et Rubens. Ce dernier est l’un de ses préférés. C’est sous son influence que le peintre va creer ses compositions romantiques. Son intérêt sera aussi tiré par des artistes de son temps, tel que Daumier et Courbet. "M. Courbet n'est qu'un grand peintre; il voit, il est ému, il reproduit avec l'immense sentiment de nature et de vérité qui est en lui. C’est un bâtisseur, un rude gâcheur de plâtre, un broyeur de tons. Il maçonnait comme un romain. Il n'y en a pas un autre dans le siècle qui le dégote. Il a beau faire large, il est subtil. Il serait grand comme Michel-Ange, mais il lui manque l'élévation". Au musée de Luxembourg, reservé aux artistes vivants, il connaît l’ oeuvre d’ Eugene Delacroix, qui exercera une influence tres determinante dans sa peinture. La manière dont Delacroix utilise la lumiere et la couleur dans ses compositions incite Cezanne à abandonner les regles academiques et ouvrir sa peinture à une nouvelle recherche: celle de comment appliquer la couleur à la forme."Toute cette limpidité, je ne sais pas, moi, vous entre dans l'oeil comme un verre de vin dans le gosier, et on en est tout de suite ivre. Les tons entrent les uns dans les autres... Tout est cousu, travaillé ensemble. Et c'est pour ça que ça tourne. C'est la première fois qu'on a peint un volume, depuis les grands. Et chez Delacroix, il n'y a pas à dire, il y a quelque chose, une fièvre qui n'est pas chez les anciens. Avec lui, la peinture sort du marasme. Il bouscule David. Il peint par irisation. Pour lui, le soleil existe et on peut y tremper ses pinceaux, y faire sa lessive. Il sait différencier... Tout bouge, tout chatoie. Quelle lumière ! Même son ombre est colorée." Mais Cézanne ne se limite pas à imiter les maîtres. Il ne cessera pas de regarder une manière propre de sentir et de s’ exprimer. À partir de 1872, quand il vient s’ installer à Pontoise et commence à peindre au plein air aux cotes de Pissarro, sa recherche sur la couleur devient de plus en plus approfondie. Malgré le contacte temporaire que Cézanne éprouve avec les impressionnistes à travers de son ami, ses oeuvres se distinguent par la quête d’ une construction plus rigoureuse de la composition. Les contrastes entre les couleurs et la superposition des plans donnent une clarté à la structure du tableaux. “Je veux refaire Poussin d’après nature” - a dit- il une fois, reconnaissant la solidité présente dans les paysages de ce maître du classicisme. C’ est cette même solidité que Cézanne souhaite saisir par l’ étude lente et concrète de la nature.Le spectacle est donné, mais c’est sa contemplation qui permet le détachement des éléments et le découpage du sujet , d’ une telle façon que l’ oeuvre devient conscience plastique de la nature. “Après avoir vu les grandes maîtres qui reposent (au Louvre) il faut se hâter d’en sortir et vivifier en soi, au contact de la nature, les instincts, les sensations d’ art qui résident en nous” (lettre à Charles Camoin). C’ est ainsi que Cézanne rassemble les éléments de ses tableaux dans une organisation spontanée très proche de celle de notre perception naturelle. Si on observe pour un certain moment le contraste entre deux couleurs, par exemple, le rouge et le gris, on commence à percevoir une troisième couleur: le vert. Cette couleur subjective qui se forme à la frontière entre les deux couleurs contractantes finit par annuler la distance entre’ elles. Cézanne s’ utilise de cette procédure dans ses compositions où les plans des couleurs annulent la profondeur, créant une surface uniforme, comme dans un mosaïque byzantine. En fait, cette technique était déjà présente, d’une manière plus subtile, dans l’ oeuvre des peintres vénitiens qu’il admirait depuis sa jeunesse, tels que Titien, Veronèse et Tintoret. Léguée par les byzantines, cette manière d’ utiliser la couleur remonte aux bas-relief grec où les formes s’ intègrent à travers les différentes tonalités. Comme dit Gerhard Frankl, “en appliquant la tradition essentiellement grecque de la vision de couleur dans la représentation direct de la nature Cézanne devient un peintre profondément traditionnel et énormément révolutionnaire”.